Comment on fait ?

J’ai repris ce blog il y a quelques temps, après mon passage en centre de rééducation. Être hors de mes murs, hors de ma « zone de confort », a enclenché le mode « self défense ». Les vannes sont à nouveau ouvertes. Le rythme fluctue au gré de mon humeur mais l’envie, le besoin sont bien là. Enfin je peux vider le trop plein. Je vais même tenter de ne pas faire que remettre à niveau. Écrire pas toujours en vomissant. Écrire aussi avec de la musique entre les mots et des petits coeurs en guise de points sur les i.

C’est que je n’arrivais plus à écrire moi depuis que tu étais parti. Un seul billet en 3 ans. Un tout petit billet, presque inutile, anodin, comparé à tout ce qui aurait dû sortir. L’écriture est mon échappatoire. Ça l’est depuis presque 23 ans. Comment faire autrement ?

Bien sûr je me suis imaginé mille fois attraper mes clefs sur la petit meuble à chaussures de l’entrée, choper mon sac au passage, la jolie veste en cuir que tu m’as offerte et monter dans ma voiture, tu sais celle que tu m’aurais choisie avec soin, pour rouler longtemps sans destination et m’arrêter sur un parking quelconque, incapable d’aller plus loin, le visage trempé de larmes et de morve que j’aurais essuyées dans la manche de ma jolie veste. Mais je ne conduis pas. Alors j’écris.

Bien sûr je me suis vu mille fois aussi enfiler une paire de baskets presque neuves, celles qui m’auraient servis pour nos joggings matinaux, et partir comme une dératée sur les petites routes de campagne jusqu’à ce que ma gorge me supplie de m’arrêter, que mes jambes ne me portent plus et que je doive essuyer mes larmes et ma morve dans la manche de mon sweat. Mais je ne cours plus depuis longtemps.  Alors j’écris.

Bien sûr j’ai également mille fois cassé toute la vaisselle au milieu de la cuisine, les jolies assiettes marrons que j’aime tant et les vieux verres opaques d’être trop passés au lave-vaisselle, en hurlant des insanités qui t’auraient toutes été destinées et en essuyant dans la manche de mon pyjama délavé toutes les larmes et la morve qui coulent dans ces moments là. Mais je ne peux pas attraper la vaisselle. Et puis je n’arrive pas à hurler non plus. Alors j’écris.

Tout du moins j’écrivais. Sur toi. Sur nous.  Avant.

La vie est faite d’avants et d’après. Tout le monde a au moins un avant et un après.

Avant le décès de ma mère. Avant le cancer de mon mari. Avant l’accident de ma fille. Avant mon mariage.

Après mon divorce. Après le licenciement de ma compagne. Après la naissance de mon fils. Après l’incendie de ma maison.

Nous sommes tous fait d’avants et d’après. Ce sont des repères. Et souvent ils sont synonymes de changements, de bouleversements et même pire. Je cherche un mot qui pourrait qualifier ce pire. J’en trouve pas. C’est pire c’est tout.

Et ce pire bloque tout. Il t’embourbe. Un peu comme si tu avais les deux pieds dans un seau rempli de ciment. Tu sens bien que tu devrais dégager vite fait parce que sinon tu vas rester coincé. Mais c’est du ciment à prise rapide. T’es niqué c’est tout.

Et moi ça fait trois ans que j’ai les pieds pris dans du ciment. Les pieds, les mains, l’esprit et peut-être bien le cœur aussi. J’arrive pas à en sortir. Comment on fait ? Si quelqu’un a la solution qu’il me la donne. Parce que je suis fatiguée moi. Fatiguée de ne pas pouvoir ‘passer à autre chose’ sans pour autant vouloir la chose d’avant. Trois ans durant lesquels j’ai connu d’autres odeurs, d’autres peaux et d’autres voix. Mais rien n’y fait. Trois ans durant lesquels j’ai continué de nous torturer, au rythme de mes vagues intérieures, de mes tempêtes et de mes accalmies. Trois ans durant lesquels tu as été ma victime consentante. Alors dis moi, comment on fait ?

 

9 réflexions sur « Comment on fait ? »

  1. Bonsoir Amélie,
    -Je n’ai pas la réponse à ta question Amélie, mais par contre, j’ai une requête à te faire, une seule.
    Ne t’arrête surtout pas d’écrire s’il te plaît, car malheureusement, je suis au regret de te dire que ton malheur a fait de toi une personne qui écrit sensationnellement bien !!!
    (C’est peut-être le début d’une réponse ça…avoir une belle écriture).
    Tu n’es pas seule, beaucoup de gens ont à apprendre de toi !
    Tu es une belle personne, je ne crois pas me tromper en disant cela, toute manière je l’assume.
    Alors écoute bien Amélie, je ne peux t’apporter de solution ou de réponse, mais s’il y a bien une chose que j’ai identifié chez toi, c’est ta combativité et ton importance.
    Je m’appelle Tony et je suis ton ami !
    Bon dimanche « jeune femme » LOL !!!

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      1. Tu as une écriture qui sort de l’ordinaire…
        Il te reste plus qu’à savoir de quoi tu souhaites débattre.
        Une fois le sujet trouvé, tu dois te structurer.
        Tu as beaucoup de potentiel, tu t’ais quand même pas battu jusqu’ici pour abandonner maintenant Grrrr !!!
        Prends bien soin de toi et passe me voir quand tu le veux.
        A bientôt.
        Tony

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  2. Bonjour Amélie, je te répèterai les memes mots de Tony. Ne lâche pas l’écriture surtout. On est là même virtuellement et on va te soutenir. T’écouter. Te lire. Échanger avec toi. Prends soin de toi surtout et écris SVP. Dina, ta nouvelle amie du Québec.

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  3. J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte. blog très intéressant. Je reviendrai. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir

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