Je suis venue vous dire …

Même si ce n’est pas vraiment ce dont je voulais vous parler, je vous confie que ce billet tombe un jour particulier puisque c’est aujourd’hui mon anniversaire. Il est 8:20, l’heure exacte où j’ai pointé le bout de mon nez il y a 41 ans. L’occasion pour moi de faire un aparté et de remercier celle qui est à l’aurore de ma vie, ma maman, et de lui souhaiter à elle aussi un beau jour de naissance.

C’est drôle vraiment que cet article, écrit depuis quelques temps déjà, demande à être peaufiné cette nuit. Car mise à part la bafouille d’il y a deux jours, cela fait bien longtemps que je n’ai pas déposé de mots ici. Je n’ai pas pris le temps et surtout je n’ai pas eu cette envie irrépressible d’écrire comme c’était le cas il y a quelques mois. À vrai dire j’ai l’impression d’avoir épuisé mon sujet. Ces ressentis qui devaient absolument sortir de moi sont devenus des souvenirs que je n’éprouve plus le besoin de partager. Je n’ai plus à raconter d’histoires, à élaborer milles et une métaphores dans le but de décortiquer et analyser ce qui a été dit ou non, ce qui a été fait et pourquoi et comment, ce qui est bien et ce qui est mal, à qui appartient la faute ou qui est la victime. Des choses sont arrivées. Point. Ce qui importe c’est aujourd’hui, ce matin, cette seconde, ce battement de cœur au moment où j’écris ces lignes. Rien d’autre ne compte parce que rien d’autre n’est réel. Rien d’autre n’existe. Seulement cet instant. J’avoue désormais que ce chapitre de ma vie m’a usé. Je ne saurais dire quand il a commencé. Les faits s’emmêlent, s’imbriquent, coïncident. La vie en somme. Toujours est-il qu’il a fait de moi une étrangère, rongée de culpabilité et dirigée par son ego, exigeante et intransigeante, harcelée de ruminations et de pensées toxiques, incapable de pardonner et surtout de se pardonner. Et s’il suffisait de dire stop ? Le dernier paragraphe dont j’avais inlassablement besoin de parler a été particulièrement éprouvant. Ce fut long et laborieux. Ce fut lourd et douloureux.

C’est terrible de vivre avec la certitude d’avoir gâché ce qui vous tenait le plus à coeur. De n’avoir pas fait ce qu’il fallait au bon moment, d’avoir réagi trop violemment, d’avoir dit le contraire de ce qu’il aurait fallu. La culpabilité est comme la fumée noire et épaisse d’un incendie, elle s’insinue dans chacune de vos cellules et abime leurs fines membranes protectrices pour que vous la ressentiez partout, de la tête aux pieds, du cerveau au cœur en passant par vos muscles, vos organes et vos entrailles. Elle fragilise les plus forts et met à terre les plus faibles.

Il faut bien l’admettre elle a failli m’avoir. Elle a presque réussi à me tenir la tête sous l’eau et m’obliger à boire la flotte de la même tasse ébréchée pour le reste de ma vie. Avec ses acolytes tristesse et colère elles ont fait preuve d’une ténacité hors du commun. Mais pas assez. Elles ne savaient pas, et moi non plus d’ailleurs, qu’elles avaient à faire à une guerrière. Je les ai prises toutes les trois par la tignasse et je les ai noyées dans cette putain d’eau croupie au fond de cette putain de tasse abîmée.

Et que faire après ? Après avoir muselé sa culpabilité ? Après que l’épaisse fumée noire se soit évaporée et qu’il reste les plaies, béantes, douloureuses encore et qui attendent d’être suturées ? J’écrivais en mars que je ne pensais pas que guérir d’une blessure prenait autant de temps. Je n’avais pas encore saisi la subtilité du processus. On ne guérit pas. On répare. On raccommode. Ou mieux, on sublime ! Mais attention, pas n’importe comment. Inutile d’imaginer rafistoler la plaie avec du vulgaire fil de nylon et une aiguille. J’ai essayé plusieurs fois et ça ne tient pas. Tu tires à peine un peu et ça se découd. Tu te retrouves au point de départ et il faut tout recommencer. Après avoir livrer une telle bataille il est impératif de bien terminer le boulot. Et j’ai découvert la plus belle façon de procéder : le Kintsugi ou l’art japonais de réparer les objets cassés avec de l’or.

Je ne vais pas vous raconter l’histoire de cette pratique, Ecosia (et non pas Google) est votre ami. Simplement j’ai l’impression que réparer nos blessures selon le même principe est une sublime manière de mettre fin au processus de guérison. L’art de la résilience comme l’art du kintsugi demande du temps, de la patience et de la persévérance. Rien d’insurmontable pour mon âme de guerrière.

Cet article ne pouvait finalement pas mieux tomber. Il est 8:20 un peu passé et j’entame ma quarante-deuxième année, sublimée par les paillettes d’or qui ornent désormais mes cicatrices. Cette journée promet d’être radieuse et donnera la couleur de l’année à venir. Elle sera (a)dorée, sans aucun doute !